Naissance de Maître Morihei Ueshiba, fils de Yoroku et Yuki Ueshiba à Tanabe au Japon. Seul fils d’une fratrie de cinq enfants, il est particulièrement choyé. De santé fragile mais d’une très grande sensibilité, il est très tôt attiré par la spiritualité, à tel point que sa mère, érudite et poétesse, envisage de le destiner à une vie religieuse. L’idée ne satisfaisait pas son père qui, pour fortifier son corps et l’endurcir, lui fait pratiquer la natation et le sumo.
Il commence à étudier à l’Institut d’Abaque Yoshida. L’abaque est un boulier à calcul où le jeune Morihei semble exceller et où il développe une rapidité et une précision étonnante d’après sa sœur Kiku.
Il part pour Tokyo, où il vend des fournitures scolaires et de la papeterie, en faisant du porte à porte. Quand il commence à gagner un peu d’argent, il se lance dans l’étude du Ju-jitsu de style Kitoryu. Il s’initie également au Kendo et fréquente différents dojos.
Travaillant dur, il met sa santé en péril et contracte le béribéri. Il décide de retourner à Tanabe pour se refaire une santé, en abandonnant à ses employés son affaire qui entre temps avait pris de l’ampleur. Il rentre chez lui les mains vides. Quelque temps plus tard, il épouse Itogawa Hatsu, une amie d'enfance.
La guerre contre la Russie est imminente, mais Morihei est réformé à cause de sa petite taille (il mesurait 1,55m et la taille minimum requise était de 1,56m). Il se met en quête de ce centimètre qui lui manque en s’imposant des exercices physiques très durs. Il finit par être incorporé dans un bataillon de réserve. Il déploie une énergie surhumaine pour devenir le parfait soldat. Son entraînement l’avait rendu très fort et très résistant. Il profite de ses permissions pour étudier le Jujutsu de style Yagyuryu auprès de Maître Masakatsu Nakai qui lui décerna un menkyo (certificat de maitrise). C’est sans doute ces pratiques martiales qui lui permirent d’exceller dans le Juken jutsu (combat à la baïonnette).
À force de demandes, il finit par être envoyé sur le front où il commence à manifester des dons hors du commun.
Il dira plus tard qu’il voyait les balles arriver à droite et à gauche et pouvait les éviter alors qu’elles étaient à mi parcours. De toute évidence, son expérience du danger réel aura une importance capitale dans son parcours.
Il quitte l’armée en 1906.
Yoroku Ueshiba, le père de Maître Ueshiba fait construire un dojo privé pour son fils qui a du mal à réorienter sa vie après son expérience de la guerre. Yoroku engage pendant un an Maître Kigoshi Takagui, du Kodokan Judo, pour être le professeur privé de Maître Ueshiba. Le neveu de Ueshiba, Noriaki Inoue s'entraîne avec lui à cette période.
Le gouvernement japonais entreprend de repeupler les régions du nord d’ Hokkaido.
Ueshiba, qui tournait en rond depuis son départ de l’armée et ne savait quelle orientation donner à sa vie décide de s’investir dans ce projet.
Il part avec sa famille, parmi laquelle son neveu Noriaki Inoue, et un groupe de 80 personnes pour fonder la ville de Shirataki. Le voyage est très dur et les hivers suivant particulièrement rudes et les récoltes catastrophiques. Ueshiba déploie une énergie incroyable pour trouver des solutions à tous ces problèmes et soutenir la population qui l’avait suivi. On le surnomme alors «le Roi de Shirataki».
Le hasard fait qu’un grand maître d’arts martiaux, Maître Sokaku Takeda, se trouve dans la région. Ueshiba le rencontre fortuitement dans un hôtel. Takeda est un des derniers dépositaires du Daitoryu Jujutsu et se déplace beaucoup pour enseigner et restaurer cette discipline. Ueshiba est subjugué par la pratique de Takeda et lui demande de l’accepter comme élève. Pendant un mois, Ueshiba apprend tout ce qu’il peut avec son énergie habituelle. Puis il l'invite chez lui à Shirataki et le prend en charge jusqu'en 1919 pour continuer à apprendre avec lui. Jusqu’à la mort de Maître Takeda, Ueshiba fera preuve d’une dévotion étonnante.
Un télégramme lui apprend que son père est gravement malade. Il abandonne ses terres à Maître Takeda et part pour Tanabe. Dans le train du retour, il entend parler d’une nouvelle religion : l’Omoto Kyo et de son cofondateur, Onisaburo Deguchi, qui semble avoir des pouvoirs surnaturels. Il décide sur-le-champs de faire le détour par Ayabe pour le rencontrer. Profondément marqué par cet homme, il reste 3 jours en prières et méditation à Ayabe. Il rentre à Tanabe, hélas trop tard : son père est décédé depuis 2 jours lorsqu’il arrive.
Pour se rapprocher de Onisaburo Deguchi, il part s’installer avec sa famille à Ayabe. Il semble avoir compris à ce moment là quelle direction donner à sa vie. Onisaburo l’encourage à développer sa propre idée du budo en se basant sur le Daitoryu mais aussi sur les concepts de l’Omoto qui prône l’amour universel.Ueshiba ouvre son propre dojo, le « Ueshiba Juku », pour les adeptes de l’Omoto.
Sa notoriété se répand. Ce qu’il enseigne là est certainement encore très proche du Daitoryu, mais au contact de l’Omoto, quelque chose de nouveau est en train de naître. Son art se nommera successivement «Daitoryu jujutsu», puis «Daitoryu Aiki Jujutsu», puis «Aiki Jujutsu». Sokaku Takeda vient souvent lui rendre visite à cette période.
Naissance de Kisshomaru, troisième fils et seul survivant de Ueshiba. Il sera le second «Doshu» (gardien de la voie).
Premier incident de l'Omoto Kyo.
Takeda s'invite avec toute sa famille chez Ueshiba pendant 6 mois, mais sa présence encombrante déplaît à Deguchi qui le manifeste ouvertement à Ueshiba. Takeda finit par partir non sans octroyer à Ueshiba un diplôme d'enseignement (Kyoju Doiri) stipulant qu'il devra s'acquitter d'une somme forfaitaire pour chaque étudiant. Deguchi estime que le style de Ueshiba n'est plus vraiement du Daitoryu et suggère à Ueshiba de changer le nom en «Daitoryu Aiki jujutsu».
Deguchi entreprend avec un petit groupe de l’Omoto, un invraisemblable voyage en Mongolie dans le but de fonder une communauté utopique basée sur les principes de l’Omoto Kyo. Ueshiba fait partie du voyage et côtoie le danger et la mort à plusieurs reprises. Il y connaît son premier «Satori». Il racontera plus tard qu’il voyait comme un éclair blanc précéder les balles et les attaques de ses ennemis, ce qui lui permettait d’esquiver à temps. Au bout de six mois de difficultés inimaginables, le groupe est fait prisonnier sur l’ordre du gouvernement chinois. Condamnés à être fusillés, Deguchi, Ueshiba et leur compagnons échappent in extremis à leur sort grâce à l’intervention du gouvernement japonais.
Il est possible que Ueshiba ait étudié un art martial chinois durant ce périple. En effet, l’Aïkido n’est pas étranger aux conceptions du Yin et du Yang propre au Taoïsme.
Le groupe est rapatrié au Japon et Ueshiba reprend ses activités, partagé entre l’agriculture et le développement de son art. Selon le témoignage de divers proches ou élèves, Ueshiba fut profondément marqué par cette expérience et tous s’accordent à reconnaître que son comportement changea de manière évidente à partir de son retour.
Un officier de marine maître instructeur de Kendo vient rendre visite à Ueshiba et lui propose un duel. Ueshiba accepte et lui demande de l’attaquer au bokken sans réserve tandis que lui même l’affronterait à mains nues. À maintes reprises, l’officier attaque avec toute son énergie et chaque fois son bokken trouve le vide. Cela dure jusqu’à épuisement de l’officier qui finit par s’avouer vaincu.
À la suite de ce duel, il connaît une expérience mystique où il se sent uni à l’univers tout entier. Il sut alors qu’il venait de connaître l’éveil. À partir de ce jour, son art s’oriente clairement vers ce qui allait devenir l’Aïkido.
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L’Amiral Takeshita, grand amateur et défenseur des arts martiaux, invite Ueshiba à venir s’installer à Tokyo et à y enseigner son art. En de multiples occasions, il se montra un fervent défenseur de l'Aïkido. Pendant cette période, Ueshiba côtoie nombre de personnages influents, tant sur le plan militaire, économique qu’intellectuel. De fait, l’Aïkido n’était enseigné qu’à une certaine élite.
Ueshiba reçoit dans son dojo une visite d’importance. Maître Jigoro Kano, créateur du Judo Kodokan, a entendu parler de ce maître étonnant de Budo et veut le voir par lui même en action. «C’est l’art martial idéal que j’avais en tête. C’est le Judo authentique», dit-il à la fin de la démonstration. Avec l’accord de Ueshiba, il décide d’envoyer deux de ses meilleurs élèves étudier avec lui (Jiro Takeda et Minoru Mochizuki, qui introduira l’Aïkido en France dans les années 1950).
• 1931
Construction d’un nouveau dojo, le «Kobukan», vite connu sous le nom du «dojo de l’enfer» tant l’entraînement y était rude. L’art de Ueshiba se nomme à ce moment là Aïki Budo. À partir de cette période, l’Aïkido prend son essor et de nombreux dojos fleurissent à Tokyo et ailleurs. Ueshiba donne des cours à l’académie de police militaire, mais se déplace aussi à travers le Japon pour des conférences, des démonstrations ou des cours. De grands maîtres d’art martiaux viennent le rencontrer ou le défier. Tous sont subjugués par ce qu’ils considèrent comme une technique divine.
Second incident de l'Omoto Kyo.
Photos du Dojo Noma.
À la demande d’un membre de la famille impériale, Ueshiba fait une démonstration de son art au palais impérial qui fait grande impression.
Le Japon déclare officiellement la Guerre aux États-Unis et à la Grande Bretagne.
Maître Ueshiba décide alors de se retirer à Iwama non loin de Tokyo où il avait acquis quelques terres. Là, il s’installe avec sa femme dans une vieille grange rénovée pour y vivre selon les préceptes du Buno-ichinyo ( O-Sensei pensait qu’il y avait une étroite relation entre l’agriculture et les art martiaux) et approfondir son art.
Cependant, cette même année, il fait un voyage en Mandchourie où il fait une démonstration devant Pou-Yi, l'empereur de Chine au destin tragique, qui fut vivement impressionné. C’est au retour de ce voyage que la discipline de Ueshiba prend son nom définitif d’Aïkido.
Achèvement de la construction du sanctuaire de l’Aïki à Iwama, devenu depuis monument historique.
Fin de la guerre. Les américains interdisent toute pratique martiale. Le fils de Morihei, Maître Kisshomaru Ueshiba, aidé de quelques passionnés tente malgré tout de réorganiser l’Aïkido en créant la «Fondation Aïkikai» qu’ils essaient de faire reconnaître auprès des américains.
Les américains accordent l’autorisation tant attendue en vertu de qualités pacifique de lAïkido. C’est le premier art martial à être à nouveau pratiqué officiellement. Le Hombu Dojo de Tokyo devient le dojo central de l’Aïkikai alors que le dojo de O-Sensei à Iwama devient le centre intime de l’Aïkido.
Naissance de la première revue sur l’Aïkido. Maître Ueshiba recommence à être sollicité pour donner des conférences et faire des démonstrations un peu partout au Japon. Des élèves de la première heure commencent à faire connaître l’Aïkido dans le monde comme Maître Minoru Mochizuki et Maître Tadashi Abe en France ou Maître Koichi Tohei aux USA.
Première démonstration publique sur le toit du grand magasin Takashimaya à Tokyo. Étalée sur 5 jours, c’est une démonstration spectaculaire où sont conviés des membres du gouvernement, des personnages influents, des gens de toutes les couches de la société et le grand public. Cet événement a un impact considérable sur le développement de l'Aïkido.
Dans les années qui suivent, Kisshomaru Ueshiba continue à œuvrer pour diffuser l’Aïkido dans le monde pendant qu’O-Sensei peaufine son art dans sa retraite d'Iwama.
O-Sensei est invité pour l’innauguration du centre de l’Aïkido d’ Hawaï et laisse une profonde impression sur les Hawaïens.
Dans les années qui suivent, Maître Ueshiba quitte plus souvent sa retraite d’Iwama pour venir à Tokyo où il ne manque jamais l’entaînement du matin. «Je ne suis qu’au début de mon entaînement» dit-il. Il a alors 78 ans.
Achèvement d’un nouveau Hombu Dojo de trois étages inauguré par une démonstration de O-Sensei. C’est la dernière démonstration publique de Morihei Ueshiba.
O-Sensei s’éteint calmement dans son lit, victime d’un cancer du foie diagnostiqué trop tard. Le même jour, le gouvernement japonais lui décerne le «Zuiho-sho» (accordé aux individus en vertu de leur contribution exceptionnelle envers la société) et le rang de «Sei-goi-kun-santo» pour le mérite d’avoir créé et disséminé l’Aïkido (troisième plus haut rang attribué post-mortem par le gouvernement japonais).
Ses restes sont enterrés dans la tombe familiale au temple de Kozanji. Bien qu’il ne fut pas bouddhiste, le prêtre du temple honora O-Sensei du titre de «Daidoshi» (supérieur) accordé seulement à une ou deux personnes depuis la création du temple. Deux mois plus tard, sa femme Hatsu le rejoint dans la mort.
Kisshomaru devient le deuxième Doshu (gardien ou maître de la voie).
Création de la Fédération Internationale d’Aïkido.
Conformément au vœux d’O-Sensei, Kisshomaru continue de perpétuer l’œuvre de son père à travers le monde, tâche immense qu’il poursuit jusqu’à sa mort en 1999.
Son fils Moriteru devient alors le 3ème Doshu.
Actuellement, l’Aïkido est répandu dans le monde entier et continue d’attirer à lui des milliers de pratiquants malgré une visibilité médiatique bien moindre que la plupart des autres arts martiaux. Conformément à l’ultime souhait d’O-Sensei, son message de paix continue à se propager.
Tirée de l’ouvrage de Kisshomaru Ueshiba : «Aïkido, l’œuvre d’une vie»